Le « modèle Magnatune »

Introduction

Entre iTunes et Napster nouvelle génération (qui n'a plus grand chose à voir avec le logiciel Napster d'antan qui avait fait tant de bruit), Magnatune pourrait n'être qu'une tentative de plus pour vendre de la musique en ligne. Mais au lieu de s'obstiner à tenter de transposer le modèle traditionnel de l'économie du disque (label, disquaire, radio, promos, etc...), le créateur de Magnatune, John Buckman, a tout au contraire mis en place un nouveau modèle économique, basé sur internet.

En quoi ce modéle est-il novateur ? En quoi est-il adapté à un monde libre où l'information semble vouloir voyager sans contrôle ? Quels bénéfices peut-il apporter aux artistes et au public, c'est-à-dire à ceux qui font vraiment vivre la musique ? Voilà les questions auxquels nous allons chercher à répondre dans les lignes qui vont suivre. Cet article n'est donc pas une présentation de magnatune, mais une analyse de son modèle économique et cuturel. Si vous vouliez uniquement savoir ce qu'est Magnatune et comment l'utiliser en quelques mots, veuillez vous reporter au « Magnatune-Howto » que je n'ai pas encore écrit ;)

1. Les problèmes

Magnatune, c'est avant tout une riposte, une tentative pour dépasser le système actuel des majors. Ainsi, quand John Buckman, fondateur de Magnatune, apporte sur le site une réponse à la question « pourquoi Magnatune ? », une grosse part de l'explication est consacrée aux critiques adressées aux majors et à l'industrie musicale (si vous ne savez pas lire l'anglais dans le texte, Google est votre ami : version en anglais de vache espagnole, mais c'est mieux que rien, non ?).

Plutôt que de paraphraser ses propos (synthétiques et orientés pratique), je vais enrichir ceux-ci avec ma propre analyse et ma propre vision du problème. Les trois problèmes principaux que doit affronter le monde de la musique sont les suivants :

1.1. Diversité et création musicale (absence de)

Quoiqu'en pense Pascale Négre (le héraut d'Universal pour les francophones non français qui ont la chance de ne pas le connaître), la diversité et la créativité musicale est moribonde.

1.1.1. La logique commerciale

Dans la logique commerciale, la nouveauté est à combattre : il va falloir faire découvrir au public ce nouveau son, et cela va impliquer d'investir dans un premier temps. Dans la mesure du possible, il est donc préférable de limiter, voir d'éliminer, cette phase d'investissement, qui plus est sans garantie absolue de bénéfices futurs (le public visé pourrait, ô scandale, ne pas aimer !).

De même pour les nouveaux artistes, pourquoi lancer un « petit jeune » si un «vieux» peut faire le même « boulot » ? Oui, je sais, vous allez me rétorquer « et Pop Star ? Et la Star Academy ? On n'y lance pas de nouveaux artistes peut-être ? ». Et bien oui ! Mais ne nous y trompons pas, c'est encore et toujours la logique commerciale qui dicte ce qui pourrait ressembler à une exception au premier abord. Un artiste qui dure, c'est un artiste auquel le public s'est habitué, et ça, c'est lui donner du pouvoir sur la major où il a signé (Johnny Hallyday vient par exemple de quitter Universal pour monter sa propre maison de disque). La solution ? Employer l'inévitable budget marketing pour lancer réguliérement de nouveaux artistes tout en faisant oublier au plus vite la précédente fournée, voilà qui semble être le compromis le plus économique trouvé par les majors...

Dans la logique commerciale, la diversité est à combattre. Chaque album, chaque artiste va représenter un budget marketing. Ces budgets de dépense vont s'additionner les uns aux autres, alors que l'achat d'album ne sera pas nécessairement beaucoup plus important. La conclusion du comptable est immédiate : vendons le moins d'artistes et de titres possibles, tant que le public continue à acheter.

1.1.2. Intérêts privés et intérêt général en situation de monopole

Voilà pour la logique commerciale de ceux qui « produisent » (en fait, ce sont les artistes qui font tout le boulot, mais j'anticipe sur mon deuxième point). Ici, tout lecteur de la « recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations » d'Adam Smith nous expliquera que le public recherchant l'exact contraire (un maximum de diversité et de nouveauté), le jeu de la concurrence (la « main invisible ») fait que l'offre se conforme au mieux des attentes de la demande dans les limites de ce qu'il est physiquement possible de faire.

Sauf que... il ne peut y avoir de réelle concurrence ! Non pas qu'il n'y a pas assez de « matière » pour cela, mais bien parce que nous sommes face à quelques grosses majors toutes puissantes qui se serrent les coudes, contrôlant directement ou indirectement chaines télé, radios et disquaires... rendant ainsi impossible l'émergence de toute véritable concurrence. Cet usage, qu'on peut considérer comme abusif, d'une position dominante permet d'aboutir à une position de monopole.

Face à une seule offre, la demande ne peut pas menacer de se tourner ailleurs, et c'est donc l'offre, en l'absence de contre-pouvoir, qui impose ses exigences. La demande n'a alors plus qu'à subir.

1.1.3. Conclusion

Rencontre des artistes et des publics, la culture musicale ne devrait être le fait que de ses deux acteurs. Malheureusement, entre eux se pose un gué, qui est la propriété exclusive de fait des majors de la musique. Et comme vu précédemment, en situation de monopole, l'intérêt privé ne va plus dans le sens de l'intérêt général, comme il devrait le faire par le jeu de la concurrence. Or, l'intérêt de l'industrie du disque, systéme oligarchique, est de réduire la diversité et la création comme nous l'avons vu au 1.1.1.

Finalement, artistes et publics sont dépossédés de la culture musicale pour le profit des majors. Un peu comme si toutes rencontres amoureuses ne pouvait se faire que par l'intermédiaire d'une unique agence matrimoniale toute puissante.

1.2. Le piratage et la liberté d'expression

La lutte contre le piratage est a priori une cause juste, mais l'enfer n'est-il pas pavé de bonne intention d'après l'adage populaire ?

1.2.1 Pirates vs. ayant-droits : premières escarmouches

Face au piratage, la contre-attaque a deux visages : judiciaire et technique. L'approche technique, ce sont les limitations matérielles et logicielles, destinées à nous empêcher de faire un usage non autorisé d'un contenu. Le porte-drapeau de cette approche sont les fameux DRMs. Il est à constater que ces limitations sont déjà trop contraignante pour l'honnête acheteur, et ne gêne absolument pas le pirate qui les contourne allégrement. Je vous invite à lire ce vrai-faux témoignage d'un homme honnête et droit : faux car la situation est fictive, mais vrai car ils sont déjà trop nombreux à se reconnaître dans ce portrait. Finalement, l'approche technique, dans son état actuel, pousse les gens au piratage !

Pour compenser l'échec relatif de l'approche technique, et son effet secondaire bien facheux, l'approche judiciaire commence à prendre son envol. Cette fois-ci, on ne se contente plus d'empêcher a priori l'utilisateur, on cherche à le condamner a posteriori pour l'acte accompli. Mais voilà, encore faut-il pouvoir prouver qu'il y a eu acte illégal, et c'est là qu'entre en jeux la prochaine génération d'outils pair-à-pair.

1.2.2 Réseaux anonymes : le meilleur des systèmes de piratage

Je vais donc vous présenter ce qui devrait être l'avenir du réseau libre. Le modèle général présenté s'inspire des systèmes actuellement en développement comme Freenet. Je n'entrerais pas dans les détails techniques : si ce que je présente vous semble techniquement impossible, je ne peux que vous inviter à vous reporter aux sites des deux projets cités. La faisabilité de la chose est évidemment rendue possible par un usage intensif du chiffrement des données (quitte à chiffrer des données déjà chiffrées).

Signalons que la raison d'existence première de tels projets n'est pas le piratage, mais de garantir la liberté d'expression, ce qui a pour conséquence de garantir le libre échange de tout type de fichiers.

Le principe global est le suivant : chaque ordinateur est un « n½ud ». Ce n'est ni un serveur, ni un client, mais les deux à la fois. Bref, nous sommes bel et bien dans les systèmes pair à pair.

Par un n½ud peut transiter des informations, mais la seule chose qu'il sait, c'est de quel n½ud lui vient l'information, et vers quel(s) n½ud(s) il doit la transmettre. Pour le reste, il ne sait rien :

Bien entendu, les communications entre les n½uds sont également chiffrées, pour qu'une personne en dehors du réseau ne voit que des échanges de données, sans même possibilité de savoir s'il s'agit d'échanges de données dans le cadre d'un tel système pair à pair, ou de tout autre chose. Le mot clé d'un tel systéme est donc anonymat.

1.2.3 Le prix liberticide de la solution ultime anti-piratage

Est-il possible d'interdir les réseaux anonymes ? La réponse est oui, mais la solution est bien pire que le mal.

La première solution pourrait être d'interdir bonnement et simplement le chiffrement. Impensable, car cela interdirait toute vie privée sur le réseau, et donc toute vie privée tout court quand l'ére de l'information aura vu son avénement (et nous en sommes encore loin, tout cela ne fait que débuter). Cette menace semble s'éloigner, mais ne nous leurrons pas, ce n'est pas par respect des droits de la personne, mais bien parce que le chiffrement est nécessaire pour faire du commerce en ligne...

Puisque surveiller directement les agissements des personnes semble exclu, on nous propose maintenant de pousser l'idée de moyen de protections techniques jusqu'au point ils seront incontournables, en fait totalitaires. En effet, on pourrait développer un système d'exploitation qui ne permette que des agissements légaux, en autorisant uniquement l'installation et le démarrage d'applications « conformées » (des logiciels comme GNUnet ne faisant évidemment pas partie des logiciels autorisés), et refusant toute communication avec un autre systéme non conforme. Oui, mais voilà, il suffirait d'installer un autre systéme d'exploitation.

La parade à cette ultime rebifade a déjà été prévu, et la solution proposée : implanter un systéme de sécurité au c½ur même de la silice de toute carte mére (et de tous composants électroniques), n'autorisant le démarrage que d'un système d'exploitation autorisé (et encore, uniquement s'il y a une connection à internet pour se connecter au serveur de licences d'usages). L'implémentation la plus avancée d'un tel système s'appelle NGSCB, anciennement TCPA / Palladium.

En l'état, un pouvoir immense serait déjà donné aux personnes qui contrôleraient le systéme d'autorisation et de gestion des droits. Mais cela irait encore plus loin : nous ne saurions même plus ce que fait réellement le système. En effet, impossible de démarrer un seul logiciel dans lequel on aurait réellement confiance, toutes information pourraient être censuré, effacé sans même que nous ayons le moindre moyen de le savoir.

1.2.4 Conclusion

You cannot guarantee freedom of speech and enforce copyright law
(Ian Clarke, dans « The Philosophy behind Freenet »)

Tout le développement précédent n'est là que pour illustrer une évidence : on ne peut assurer le respect de la propriété intellectuelle sur internet, à moins d'interdir toute réelle liberté d'expression. En effet, la seule solution est de totalement contrôler le flux d'information... et à partir du moment où on crée un bouton pour effacer tout contenu illégal, il est difficile d'espérer que ce bouton ne sera jamais utilisé pour effacer tout propos dérangeant, quand bien même parfaitement légal.

1.3. La rémunération des artistes

Bien sûr il y aura toujours des artistes dont la rémunération n'est qu'un plus, car ils font de l'art avant tout, et bien sûr il y aura toujours des mécénes. Mais force est de reconnaître que la création musicale sera bien plus importante si l'artiste peut espérer vivre de ses ½uvres.

Le piratage est bien sûr un problème, puisqu'a priori il implique que l'artiste n'obtienne aucune rémunération pour sa création. Cependant, ne perdons pas de vue qu'il y a pire que de ne pas être payé pour son travail. Que dire des majors, et aussi des pirates revendeurs dans des proportions infiniment moindre, qui exploitent véritablement les artistes, se remplissent les poches et ne leur laisse que des miettes ? Le pire, ce n'est pas tellement de ne pas bénéficier des fruits de son travail, mais bien que d'autres en bénéfie à votre place. À ce propos, vous pouvez vous référez à cet article de Courtney Love.

L'artiste donc, celui sans qui ni les majors ni le piratage ne pourrait tout simplement exister, puisque sans matière sur laquelle s'appliquer, est pris entre deux feux. Pourtant, en tant que consommateur de musique, la rémunération des artistes nous concerne, car rien de tel pour la création qu'un artiste qui vit de son art. Ainsi donc, inutile d'entrer dans des considérations d'équité, même uniquement d'un point de vue égoïste de consommateur un minimum de rémunération des artistes est dans notre intérêt général.

2. Les solutions

Voyons comment le modèle proposé par Magnatune répond, ou du moins tente de répondre, à ces trois inquiétudes. Le découpage sera à nouveau en trois sous-sections, une pour chaque inquiétude, mais, pour des raisons de commodité, leur ordre ne sera pas calqué sur la section précédente.

2.1.Un jeu de licences compatibles avec les réseaux anonymes

Est-il possible de créer un systéme économique qui n'implique pas un contrôle total du flux d'information ? Bref, peut-on encore faire commerce de la propriété intellectuelle sans s'opposer de front à la liberté d'expression ? La réponse a priori, telle que donné par Ian Clark, est négative. Cependant, nous pouvons nuancer en faisant cette constatation essentielle que tout n'est pas possible sur le réseau idéal de la libre expression tel que décrit au 1.2.1.

2.1.1 Ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire sous couvert d'anonymat

Dans un réseau parfaitement anonyme, où personne ne sait qui fait quoi, il est impossible d'interdir à quiconque de distribuer un fichier, tout comme il est impossible d'empêcher quiconque de modifier un fichier, puis de diffuser cette version modifiée. Et dans la foulée, dans un systéme parfaitement anonyme, il paraît également bien difficile.... de se faire payer !

Pour bien nous en convaincre, il suffit de constater que la seule possibilité de solution a priori serait d'associer l'argent à une signature numérique (on ne saurait donc pas qui se cache derrière cette signature numérique). Malheureusement, cela ne résoud pas les véritables difficultés.

La première impossibilité est la convertion de toute somme d'argent accumulée au sein du réseau anonyme vers le monde « physique » (qui peut encore être internet, mais où l'argent nous serait nominativement attribué). Non que cela soit réellement impossible a priori, mais on pourrait parfaitement l'interdir sans pour autant interdir l'usage d'un tel réseau, et donc la liberté d'expression qui lui est associée. En effet, une telle somme d'argent serait associé à un compte bien physique (première faiblesse), et l'existence d'argent sur un réseau anonyme impliquerait l'existence d'un organisme centralisateur, reconnu officiellement, en son sein (deuxième faiblesse) sans lequel l'existence même d'une monnaie serait impossible, puisqu'il faut pouvoir associer une valeur objective et reconnue de tous à l'argent (si tout le monde pouvait imprimer des billets librement, ceux-ci n'auraient plus grande valeur...).

Bien sûr, il resterait la possibilité de créer une économie monétaire au sein même du réseau anonyme, sans connection avec le « monde extérieur ». Mais l'organisme gestionnaire (la banque pour faire simple, dont chaque compte serait identifié par la signature numérique de son propriétaire) ne serait identifié que par une signature numérique... la confiance étant impossible, aucune réelle économie ne pourrait se contruire sur des bases aussi mouvantes. Pire, pour être fonctionnel, il faudrait qu'un tel organisme gestionnaire soit reconnue d'une majorité. Et dans un tel cas, il serait d'autant plus tentant de « casser » la signature numérique associée.

2.1.2. La licence Creative Common Attribution-NonCommercial-ShareAlike

Tout ce que l'on peut écouter sur Magnatune est distribué sous licence Creative Common Attribution-NonCommercial-ShareAlike, dont la particularité est d'autoriser toutes les utilisations, aux exceptions suivantes près :

Nous avons vu que, à moins d'être prêt à s'opposer à la libre expression, il était inutile d'empêcher tout usage non commercial d'une ½uvre par qui que ce soit (liberté pour tous garantie par la close « Share Alike »). Inutile de revenir sur ces points. Par contre, il peut être intéressant de s'attarder sur l'attribution.

Sur un réseau anonyme, il est impossible d'obliger quiconque à révéler ses sources, et donc à appliquer la clause d'attribution. Et de toute façon, quel crédit lui apporter ? Cependant, l'avantage ici est que le receveur du fichier n'est absolument pas en tort, et a tout à fait le droit d'avoir le fichier, donc il peut ouvertement faire ses recherches pour retrouver l'information manquante ou la vérifier. (De plus, il a tout intérêt à le faire s'il veut redistribuer le fichier en dehors du réseau anonyme, pour être sûr qu'il a bien le droit de le faire)

2.1.3. Conclusion

Pour rendre compatible liberté d'expression et droits d'auteur, la solution proposé par Magnatune est intéressante, et repose sur un jeu de licences bien pensé :

Ce jeu de licences répond de manière pertinente à nos inquiétudes :

L'inquiétude juridique est donc levée, les frontières du modèle économique de Magnatune ne s'étendent pas au point d'attaquer les terres de la libre expression. Pour autant, ce modèle économique est-il viable ? Est-il favorable à plus de diversité et de créativité musicale ?

2.2. La rémunération des artistes

2.2.1. Court-circuit du réseau de distribution des majors

Dans une situation de monopole ou d'oligopole, si la loi ne peut plus rien pour vous (on ne peut constater qu'un vrai monopole a une telle puissance financière qu'il peut faire en sorte que les éventuelles lois « anti-trust » ne semble pas vouloir s'adresser à lui), il n'y a qu'une échappatoire : changer les règles du jeu, ne pas jouer sur le même terrain. Encore faut-il que cela soit possible, ce qui semble être le cas ici.

Or, internet est un merveilleux moyen pour court-circuiter tout le réseau de distribution des majors. Votre musique n'aboutit pas sur les bacs des marchands de disque, vendez-là donc sur internet ! Votre musique n'aboutit pas sur les radios fm ? N'importe-qui peut monter une radio sur internet !

Sur internet, à moins, encore une fois, de vouloir contrôler flux lui-même de l'information, toute situation de monopole paraît bien difficile à créer. Et ainsi, en recréant une situation de concurrence véritable, l'artiste est bien mieux traité.

2.2.2. Pas de dépense marketing

Devant l'impossibilité de prendre le contrôle de toutes les webradios et de tous les sites musicaux, le matraquage marketing, un grand classique des majors, destinés à nous faire croire que n'existe que ce qu'on entend sur les radios fm et à la télé, est impossible. Les dépenses marketing en sont donc déjà d'autant plus modestes.

Mais un second phénoméne vient encore diminuer ce type de dépense : le choix de la licence Creative Common Attribution-Nocommercial-ShareAlike fait que le bouche à oreille fonctionne au maximum de ses possibilités, et ce bouche-à-oreille, c'est autant à décompter d'un éventuel budget marketing. C'est d'une certaine manière un donnant-donnant avec le public : puisqu'il fait partie intégrante du processus marketing, et ceci de manière bénévole, il a le droit en contre-partie à tous les usages non commerciaux.

Finalement, la seule chose qu'attend le public, c'est qu'un tri grossier ai été effectué pour éliminer ce qui est moyen ou mauvais. C'est d'ailleurs exactement ce que fait Magnatune qui en ce sens est effectivement un label : il ne signe que les artistes dans lesquels il croit.

2.2.3. Payer même pour un usage non commercial ?

Bien qu'a priori cela soit difficile, il reste des possibilités pour que le public veuille payer pour un usage non commercial d'un album ou d'une chanson. Bien sûr tout ce qu'il aura pu écouter sur le site (même en streaming) pourra légalement se retrouver sur son disque dur.

Mais dans le cas de la musique, il est possible d'avoir une bonne idée de la qualité artistique d'un morceau à partir d'un mp3 ou d'un ogg vorbis de bonne qualité. Cependant, Magnatune propose ensuite de payer pour pouvoir télécharger les morceaux dans une qualité parfaite (wav ou flac, ce second étant un format de compression sans perte).

Bien sûr, une personne ayant téléchargé la musique en qualité parfaite peut, toujours au nom de la licence CC, la redistribuer. Mais on peut espérer que, si le morceau intéresse peu de monde, les personnes intéressées ne sauront pas se trouver, et si le morceau est très populaire, son utilisation commerciale (et donc payante) sera bien plus importante. Cette dernière remarque sera à surveiller au regard de la réalité du commerce de Magnatune.

2.2.4. Conclusion

Finalement, bien que le modèle proposé par Magnatune n'engendrera probablement pas autant d'argent que le modèle traditionnel des majors, il faut considérer que les dépenses en fonctionnement (ce serait un euphémisme que dire que monter un serveur ftp ou une webradio a un coût bien plus modeste que monter une enseigne fnac ou une radio fm) et les dépenses marketing n'ont aucune commune mesure. De plus, l'existence, même latente, d'une concurrence véritable oblige à bien mieux traiter les artistes. Dans le cas de Magnatune, toute somme gagnée est répartie moitié-moitié entre le label et l'artiste, et l'artiste n'a pas dû signer un contrat d'exclusivité avec celui-ci, ce qui implique par exemple qu'il n'est pas lié à Magnatune pour d'éventuels concerts et en retirera donc bien plus de bénéfices.

2.3. Plus de diversité, plus de création

2.3.1. Les artistes peuvent vendre moins

Puisque les artistes sont bien mieux traités et gagnent bien plus sur la vente d'un album (pour usage commercial ou non), ils peuvent en vendre bien moins. Ce facteur est évidemment très favorable à la diversité.

2.3.2. Une véritable concurrence

Le marché de la musique sur internet n'étant contrôlé par aucun de ses acteurs, le jeu de la libre concurrence tient cette fois ses promesses, l'offre et la demande se mettant en adéquation de ce qu'il est physiquement possible de faire, et donc la diversité et la créativité auront bien plus leur place, puisqu'il s'agit d'une exigence essentielle de la demande.

2.3.3. Un rôle bien plus important du public dans le processus de création artistique

Tout comme il n'y aurait pas de musique sans artistes, il n'y aurait pas de culture musical sans public. Et le public, du fait qu'il peut librement échanger les morceaux de musique à des fins non commercial, se retrouve critique et puissance marketing. Mais on pourra aller plus loin, et jouer de cette possibilité. Ainsi, Peter Gabriel, dans le cadre du MUDDA (Magnificient Union of Digitally Downloading Artists), a distribué un manifeste rouge lors du Midem 2004, énumèrant des idées que les artistes peuvent explorer, comme par exemple créer plusieurs versions d'une chanson et les distribuer sur Internet pour demander à leurs fans celle qu'ils préfèrent.

3. Conclusion

Comme nous avons pu le voir, Magnatune se sert et s'intégre à internet. Il s'en sert pour court-circuiter le réseau fermé des majors, pour économiser sur de nombreux budgets (radio, distribution, marketing). Il s'y intégre en ayant créé un jeu de licence qui ne vient pas contredire les réseaux anonymes, et ne cherchera donc pas à s'opposer à la libre expression au nom de la survie de son modèle économique. Il rapproche grandement public et artistes afin de faciliter leur rencontre, et intégre le public au processus de création de la culture musicale au lieu de les considérer comme simple consommateur.

Le modèle de Magnatune pouvant être librement (et non uniquement en droit) réutilisable par tous sur internet, la concurrence latente l'oblige à coller au plus près des attentes des artistes et du public. Tout ceci étant évidemment très favorable à la diversité et à la créativité musicale.

Bien sûr, il reste maintenant à voir si Magnatune viendra confirmer la théorie présentée ici, et prouver dans la pratique que ce modèle est économiquement viable. Tout cela semble sur la bonne voie, même si malheureusement rien n'a encore été fait pour permettre un payement réellement sécurisé sur internet, ce qui limite évidemment le commerce de Magnatune.

idoric (dernière mise à jour sur le fond : 2004-03-20)


Dernière mise à jour : 06/02/2010 à 17:46

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